Happy Birthday in Paris !

Du 1er au 31 mars 2025

 

 

 

Samedi 1er mars - Envole-moi !

 

Avec un soleil magnifique et un sentiment de douceur, je quitte Toulouse où j’ai fait une halte avant de prendre l’avion. J’ai fait le tour de mes souvenirs et du temps qui passe. Me voilà prête à accueillir Paris, la nouveauté, l’imprévu et l’avenir !

 

Cette année, je fête ma cinquantième année. Je souhaite qu’elle soit exceptionnelle ! Je voudrais vivre mes rêves enfouis, ceux qui n’ont pas pu s’exprimer. Je voudrais les libérer de la gangue de l’inaccompli dans laquelle ils sont enfermés… Je veux vivre mes rêves parce que je sens que c’est le moment ou jamais. Avant, je n’en avais pas les moyens physique, psychique ou financier… Maintenant oui ! C’est le moment ou jamais parce que le temps passe et que la vieillesse se profile à l’horizon… Dans dix ans, aurais-je encore l’énergie de réaliser mes rêves ? D’ailleurs, serais-je toujours en vie ?

 

77 Avenue Henri Martin

 

Après une heure de trajet depuis l’aéroport d’Orly, je sors du métro à la station « rue de la Pompe ». Je fais quelque part et aperçois le numéro 77, avenue Henri Martin. Je compose un premier code devant l’élégante grille. Puis, sans me poser de question, je me dirige vers la majestueuse entrée devant laquelle je ne trouve pas de numéro pour taper le second code. Je tourne la tête vers la droite et vois une petite porte au-dessus de laquelle est écrit « entrée de service ».  Je me dirige vers elle et tape le code… C’est bien là que se trouve l’appartement que j’ai loué… Je monte dans l’ascenseur jusqu’au sixième étage. Puis, je gravis un petit escalier jusqu’au septième.

 

Dans le couloir étroit, je pense au personnel de service qui vivait ici dans le temps. Je suis sous les toits de Paris dans l’univers des chambres de bonnes.… Tout près du ciel ! J’aime cette sensation ! Je récupère la clé dans un boîtier et après quelques péripéties, aidée par un employé de l’agence de location venu à mon secours, je finis par rentrer dans l’appartement… Je n’arrivais pas à ouvrir la serrure ! Une fois de plus, je constate à quel point je n’aime pas les portes fermées… Elles génèrent chez moi une légère angoisse, une peur qu’on ne me laisse pas entrer ou sortir… Cette angoisse se transforme vite en panique si j’ai du mal à ouvrir la porte… D’où cela vient-t-il ? Je l’ignore.

 

Mon petit nid

 

Voilà ! Je pose mes bagages dans ce confortable studio doté d’une petite terrasse d’où je vois la Tour Eiffel ! Je suis saisie par le calme qui règne ici… Je n’entends pas un bruit ! Je suis au cœur de la capitale et tout est calme dans mon petit nid… J’ai l’impression d’habiter dans le ciel ! Les toits se profilent au pied de la Tour Eiffel, comme dans de nombreux films que j’ai vus. C’est exactement l’image dont je rêvais !

 

Quand j’étais plus jeune, j’ai imaginé tant de fois habiter à Paris ! La vie culturelle bouillonnante de cette ville m’attirait ! Tous ces musées, ces cinémas… Tous ces artistes ! Tous ces gens à rencontrer ! Du plus loin que je me souvienne, ce désir est né avec la découverte de Saint-Germain-des-Prés à l’époque de Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Juliette Gréco, Boris Vian et tant d’autres… Je me voyais avec cette jeunesse intellectuelle et artistique avant gardiste ! À Paris tout me semblait possible !

 

Merci, mon Dieu de me donner d’être là ! De tout mon cœur, j’espère que je ferai de belles choses pour ce monde avec ce cadeau que tu me fais !

 

Avenue Henri Martin by night…

 

Un autre épisode avec la porte… Cette fois-ci, je n’arrivais pas à l’ouvrir pour sortir de l’appartement ! Me voilà libérée et affamée ! Je descends pour m’acheter à manger. Il fait nuit et l’épicerie que j’avais vue en arrivant est fermée… Mais, les restaurants sont ouverts. Je fais quelques pas et découvre avec joie le « Délice Impérial ». Trois dames tiennent cet établissement. Pendant que l’une d’entre elles me sert, j’imagine le chemin qu’elle a parcouru pour arriver jusqu’ici… De quelle région de Chine vient-elle ? Pourquoi a-t-elle choisi la France ? Est-elle heureuse ici ?

 

Il m’a toujours semblé qu’il fallait un courage extraordinaire pour quitter son pays. En écoutant les récits de personnes exilées, je me suis souvent demandée si nous sommes faits pour vivre loin de l’endroit où nous sommes nés. Peut-être a-t-on besoin de savoir qu’un coin de cette terre recueille nos souvenirs, ceux de nos ancêtres et que nous nous inscrivons dans une lignée humaine qui a commencé bien avant nous et finira bien après ? Les guerres, la misère, les dictatures, l’espoir d’une vie meilleure, d’une réussite d’une conquête…  La quête d’un amour nous… Nous pousse à partir.

Pourtant, les exilés gardent au fond de leur cœur cette nostalgie qui voile leur regard certains soirs… Quelque chose en eux est resté là-bas... Souvent auprès de leurs mères. D’après le témoignage que j’ai entendu, le plus terrible et d’être loin de ses parents lorsqu’ils décèdent. Ils ont été là pour nos premières instant, sentons-nous la nécessité d’être là pour leurs derniers instants?

 

Je vois la dame qui me sert glisser un paquet de chips à la crevette dans le sachet qu’elle me tend. Les trois dames me sourient, j’ai envie de les embrasser. Ce paquet de chips et vos sourires me souhaitent la bienvenue à Paris ! Merci, mesdames.

 

Boualem Sansal

 

En rentrant, je croise cette affiche posée sur la grille de la Mairie du XVI arrondissement, juste à coté de mon logement… Je m’arrête un instant dans le froid de la nuit. Et je pense à l’Algérie… Que sont devenus les gens que j’ai connus là-bas ? La maman de mon ex-mari est-elle toujours vivante ?

 

Sur la façade de la Mairie, flottent les drapeaux au-dessus de la porte où sont écrits les mots : « Liberté, égalité, fraternité. »… Voilà tout ce dont l’Algérie a besoin. Nous avons tant de choses à nous dire qui restent enfermées dans les silences meurtris de l’histoire. Nous avons vécu ensemble pendant quelques siècles. Et, bien que nous ayons été dans un rapport de colonisateurs et decolonisés, peut-être pourrions-nous, avec le temps, devenir des égaux, des amis ?

 

Je suis touchée par l’emprisonnement de Boualem Sansal mais cela ne m’étonne pas. Il résiste depuis des années et refuse de quitter son pays comme de nombreux artistes et intellectuels l’ont fait. Dans un de ses livres, il faisait état de la répression dont il était victime à cause de ses écrits. Celle-ci se manifestait par une menace latente et quotidienne. Deux épisodes m’avaient particulièrement marquée… Des tuiles du toit qui lui était tombées dessus en sortant de chez lui et le frein défectueux de sa voiture. Boualem Sansal avait surtout peur pour sa famille…

 

Puisse l’Algérie vivre en paix un jour.